Directeur du marketing, de la communication et des filières et membre du comité exécutif de GRDF, Jérôme Chambin est l'invité de ce nouvel épisode de Direction. L'occasion de parler gaz vert.





Le gaz et la chaudière, qu'on croyait morts, semblent bien vivants. Comment l'expliquez-vous ?


Il y a sur le marché français encore beaucoup de place pour la THPE, mais aussi pour la PAC hybride. On croit beaucoup dans cette association d'une petite PAC avec une chaudière. C'est le meilleur des deux mondes !


Le Gouvernement n'a pourtant jamais souhaité aider l'hybride...


La PAC hybride est aidée comme la PAC. Notre discours, c'est de dire qu'une PAC hybride peut aussi gérer la pointe électrique, quand les deux tiers de l'appoint sont fournis par le gaz. Si tout devient électrique, on ne pourra pas gérer cette pointe, généralement les soirs d'hiver. La PAC hybride, c'est de l'effacement individualisé, et nous pensons que la prime devrait être un peu majorée, dans la mesure où elle permet d'équilibrer le réseau.


GRDF, GRTGaz et Téréga ont présenté début septembre leurs perspectives pour le gaz vert. Où en sera-t-on dans 10 à 15 ans de cette décarbonation indispensable pour que la chaudière ait effectivement un avenir ?


Le gaz vert représente aujourd’hui 3 à 4 % de la consommation, mais on atteindre 20 % en 2030. En 2040, on en sera à 40 à 50 % de gaz vert. En 2050, on peut atteindre les 100 % de gaz vert dans le réseau. Il faut noter que cette filière est récente, pas plus d’une dizaine d’années. Mais l’envie du monde agricole et du monde des déchets de produire du gaz vert est très forte !


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Comment fabrique-t-on du gaz vert ? Quelles sont les pistes les plus prometteuses ?


La méthanisation est le principal support du gaz vert dans l’avenir. Ce processus transforme des déchets agricoles en gaz à injecter sur le réseau et en digestat, un engrais naturel qui remplace l’engrais chimique. Plus de 1200 projets attendent de se construire et de se raccorder au réseau de gaz naturel.


Mais il n’y a pas que la méthanisation. La pyrogazéification permet de transformer des déchets solides en gaz. La gazéification hydrothermale, qui viendra un peu plus tard, est aussi très prometteuse. L’hydrogène peut aussi être un gaz vert, s’il est produit à partir d’énergies vertes.


Faudra-t-il adapter les réseaux  et les appareils de chauffage ?


Tout ce qui produit du méthane ne change rien, c’est la même molécule. Les adaptations interviendront sur la façon de gérer nos réseaux. Ils ont été construits pour gérer du gaz importé de l’étranger, avec de gros tuyaux de transport et de petits tuyaux de distribution. Avec le développement de sites locaux, notre réseau servira à collecter. Cela nécessitera quelques adaptations.
RTE a indiqué récemment que l’adaptation du réseau électrique coûtera 100 milliards d’euros d’ici à 2050. L’adaptation du réseau gazier, elle, ne coûtera que 10 milliards d’euros, soit dix fois moins !


La part de gaz cert peut-elle dépasser les 100 %, ce qui signifierait que nous deviendrions exportateurs de gaz vert ?


Nous en rêvons, mais on n'en est pas là. En revanche, la France est aujourd'hui le benchmark mondial pour le gaz vert. GRDF reçoit toutes les semaines des délégations du monde entier pour découvrir ce que nous faisons en la matière.


Un gaz totalement vert pourrait-il remettre à zéro les règles de la RE 2020, hostiles au gaz naturel ?


La RE 2020 a été construite sur la base d'un calcul où le gaz naturel émet 240 g de CO2 à l'unité. Avec le gaz vert, on est à 40 g. Cette division par 6 permettrait à un consommateur d'être sous la réglementation. Mais ce n'est pas actuellement reconnu dans le DPE.


Le gaz vert sera-t-il à terme moins cher ?


L'industrialisation du gaz vert fera un peu baisser les coûts, mais l'énergie vertueuse restera un peu plus cher, dans le gaz comme dans l'électricité ! Le gaz fossile sera de plus en plus taxé, ce qui incitera à aller vers du gaz vert. Il faut aussi inciter à moins consommer pour absorber ce surcoût.
Il faut aussi noter que les prix du gaz vert sont beaucoup plus stables que ceux du gaz fossile, ce qui intéresse beaucoup les acteurs industriels.