
Vous avez fondé Sonergia en 2009, et venez d’en quitter la présidence. Comment la rénovation énergétique a-t-elle évolué en quinze ans ?
Sur cette période, les certificats d’économie d’énergie (CEE) ont pris une ampleur considérable, passant d’une obligation de 18 TWh annuels en 2009 à 775 aujourd’hui. Le marché a également assisté, hélas, à l’arrivée d’une fraude de plus en plus difficile à détecter même par des acteurs vigilants comme Sonergia. Enfin, la période a été marquée par des retournements brutaux et incessants, avec des CEE ciblant tantôt l’agriculture, tantôt les collectivités, tantôt les particuliers… Si Sonergia se porte bien, c’est justement que nous avons su équilibrer nos activités et ne jamais dépendre d’un seul marché.
Quelle est l’orientation actuelle?
C’est clairement l’industrie et le transport qui sont fléchés par les pouvoirs publics. Les fiches se développent, y compris dans les mois à venir dans le tertiaire, et c’est là que se trouve une bonne part des gisements identifiés par l’étude du Groupement des professionnels des certificats d’économie d’énergie (GPCEE), dans la perspective de la sixième période qui démarrera au 1er janvier prochain. Sonergia y est déjà présent, et va s’y développer.
Sur les marchés grand public, en revanche, nous perdons de l’argent depuis deux ans. Mais la diversification de Sonergia nous permet de conserver une santé financière solide.
Malgré tout, vous faites partie des défenseurs des CEE, un dispositif largement attaqué ces derniers mois…
Oui. Les critiques ont été nombreuses ces derniers temps. Mais ce dispositif, qui a une antériorité de dix-neuf ans, remplit ses objectifs. La fraude est liée à des choix politiques d’accélération brutale de certaines fiches, alors que le temps long permettrait de mieux lutter. Mais je suis convaincu que la fraude n’est pas inhérente à ce dispositif de marché, dont il faut renforcer la gouvernance.
Considérez-vous que la lutte contre la fraude a progressé ?
Incontestablement. La lutte contre la fraude s’est beaucoup améliorée. Mais il reste encore du chemin à faire ! La fraude touche bien des domaines, les CEE, MaPrimeRénov’ mais aussi d’autres secteurs. Il est possible de s’inspirer de leurs expériences pour récupérer des méthodologies efficaces.
Il est question de confier le monogeste en plus de la rénovation globale à l’Anah en 2025. Qu’en pensez-vous ?
C’est une très mauvaise idée ! La réforme manquée du 1er janvier 2024 a entamé la confiance des professionnels, qui se sont détournés des travaux aidés pour installer des solutions moins chères et plus carbonées. Le GPCEE dénombre, chez les délégataires, les obligés et les mandataires les plus sérieux, environ 5000 personnes qui incitent les particuliers à effectuer des travaux en monogeste. Comment l’Anah compte-t-elle s’y prendre pour les remplacer ? Même si elle ne m’arrangeait pas en tant qu’entrepreneur, je pouvais comprendre en tant que citoyen la réforme de 2024. Mais ce nouveau changement reviendrait à créer un monopole autour d’un mécanisme de marché, ce qui serait incohérent.
Je tiens à souligner que la baisse des prix du gaz, l’instabilité politique et la baisse du pouvoir d’achat ont conduit à une reprise des émissions de CO2 en France, du fait notamment du regain observé sur le marché des chaudières.
Au sujet de la confiance des entreprises, n’est-elle pas gravement entamée, notamment du fait des retards chroniques de paiement de l’Anah ?
Un acteur comme Sonergia a dépensé beaucoup d’énergie pour garder la tête hors de l’eau. Aujourd’hui, nous versons en trois jours à nos partenaires artisans et entrepreneurs les aides MaPrimeRénov’ et CEE. Mais nous sommes très regardants sur nos partenaires, validés après un entretien de 45 minutes. Nous rejetons beaucoup de demandes et il nous arrive de sortir de notre liste de partenaires des entreprises qui ne présentent pas le niveau de sérieux requis.
Que demandez-vous aux pouvoirs publics pour les aides en 2026 ?
Je leur dis : surtout, ne touchez à rien ! Il faut maintenir le cadre actuel, pour conserver de la lisibilité et, justement, de la confiance.
Au vu de ce qui vient de se passer sur le photovoltaïque, la stabilité ne semble pas d’actualité…
Ce bouleversement réglementaire nous invite à développer des systèmes davantage tournés vers l’autoconsommation. Sonergia a racheté la franchise spécialisée en rénovation énergétique Maclem. Cette structure est partenaire de MyLight150, un acteur connu pour ses batteries virtuelles. C’est assurément dans cette direction qu’il faut aller.
Pour porter la rénovation énergétique, n’est-il pas temps de mettre au point des garanties de résultat pour les ménages ?
C’est le sens de l’appel d’offres Oréno, initié par l’Ademe et dont Sonergia est partie prenante au travers du projet Assuréno. Il doit déboucher à terme sur un engagement, sur une version pour les particuliers du contrat de performance énergétique (CPE), même si l’affaire est très complexe. Les travaux jouent leur rôle, mais le sujet est aussi affaire de comportement. Il est temps d’ailleurs de réconcilier efficacité et sobriété, de coupler travaux et gestes au quotidien.
Le DPE prend de l’importance. Est-ce une bonne nouvelle en termes de prise de conscience ?
Il faut d’abord souligner les limites du diagnostic de performance énergétique, qui n’est pas un audit énergétique et ne permet pas de déterminer avec exactitude la consommation d’énergie, ni la facture. Néanmoins, il s’agit d’un outil de communication qui va dans le bon sens, profitant notamment à la rénovation d’ampleur et à MonAccompagnateurRénov’, un dispositif dans lequel Sonergia n’a pas voulu s’engager pour ne pas être juge et partie.
Comment faut-il comprendre votre départ de Sonergia ?
Ce n’est pas vraiment un départ. Je passe le relais de la présidence à mon associée Elisabeth Bertrand, mais je reste actionnaire majoritaire et continuerai à regarder de près ce que construit Sonergia. Je vais me consacrer à d’autres projets, notamment autour du contrôle à distance, pour mieux lutter contre la fraude.
Sonergia en cinq dates
- 2009 : Création de Sonergia
- 2010 : Elisabeth Bertrand rejoint l’aventure
- 2013 : Président du GPCEE, créé à l’initiative de Sonergia
- 2022 : Sonergia devient entreprise à mission
- 2024 : Rachat de la franchise Maclem