Une mère et sa fille réclament à l'État 160 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subie du fait de la pollution atmosphérique dans l'agglomération parisienne. À leurs yeux, les autorités n’ont pas pris de mesures « efficaces » et elles jugent que cette « carence fautive » a eu un impact sur leur santé… Alors à quand le premier procès de la qualité d’air intérieur ?
« Nous avons des ménages qui commencent à nous appeler et qui nous disent : j’envisage d’acheter une maison là, est-ce que l’air est sain ? », nous explique Nicolas Blondet, président de l’Association de Promotion de la Qualité de l’air intérieur. Si pour ce dernier, la sensibilisation au sujet grandit, un changement de paradigme doit encore s’opérer. « Personne n’accepte une fuite d’eau chez lui, mais tout le monde tolère une fuite d’air dans son réseau aéraulique ».
Mais chez les ménages équipés d’une installation posée par Ventil-Pur Habitat, peu de chances de tomber sur une fuite d’air. Spécialisée dans l’installation de VMC en maison, l’entreprise des Hauts-de-France se fait un point d’honneur de garantir une qualité d’air intérieur à ses clients. Mais pour cela, son fondateur Laurent Henry (Voir son parcours P31) travaille avec une philosophie qui, selon lui, va à l’opposé de celle de l’arrêté de 1982 encadrant la ventilation.
Une bonne ventilation plutôt qu’un doliprane
« Le cadre réglementaire se focalise sur l’extraction d’air en salle de bain et en cuisine mais le besoin de mes clients c’est d’avoir suffisamment d’air dans leurs chambres pour ne pas souffrir de maux de tête du fait de concentrations en CO2 trop élevées durant la nuit. Alors je dimensionne mes installations de VMC double flux pour assurer un débit d’air de 30 m3/heure dans une chambre parentale et 25 m3/heure dans une chambre d’enfant », explique le ventiliste à Génie Climatique Magazine.
Pour Laurent Henry, le cadre réglementaire ne colle plus à l’époque « En 1982, on faisait des frites tous les midis, cela pouvait avoir du sens de fixer son attention sur l’extraction en cuisine plutôt que sur l’insufflation dans les chambres. Aujourd’hui on cuisine à la vapeur et au micro-ondes », souligne ce dernier. Même son de cloche chez Nicolas Blondet. « Il ne faut pas balayer d’un revers de main l’arrêté de 1982 mais force est de constater que notre mode de vie a évolué en 40 ans ».
Pour Yves Nioche, président de l’Association professionnelle des ingénieurs en climatique, ventilation et froid (AICVF), c’est avant tout notre façon de construire qui n’est plus la même et nous oblige aujourd’hui à questionner notre manière de nous ventiler.
« La ventilation hygro B, solution qui en France est présente dans plus de 9 logements sur 10, a en quelque sorte profité durant des décennies d’une mauvaise étanchéité de l’enveloppe. Les infiltrations par les façades venaient compenser les flux d’air trop faibles de cette dernière. Mais aujourd’hui, les exigences sur l’étanchéité à l’air de l’enveloppe ne le permettent plus », remarque Yves Nioche. « En tant qu’expert judiciaire, je vais régulièrement sur le terrain constater les dégâts. Le grand classique, ce sont les radiateurs installés sous les fenêtres. La chaleur monte, assèche l’air et l’entrée d’air hygrorégable se ferme. L’enveloppe étant très étanche, aucun renouvellement d’air ne peut avoir lieu et très vite des champignons apparaissent dans la salle de bain ».
Mais alors, pourquoi ne pas opter pour d’autres solutions que notre hygro B nationale ?
« La RT2012 exclut indirectement les VMC double flux ou les systèmes simple flux par insufflation. Car si tu veux gagner des points pas chers, tu mets de l’hygro B », souligne le président de l'AICVF.
Un scénario d’occupation à caller sur la réalité
Le gérant du BE Enertech, Thierry Rieser, qui a activement participé aux travaux techniques préparatoires de la RE2020, considère que « la future réglementation doit permettre de revoir le scénario d’occupation des logements afin de lever cette distorsion de concurrence entre la ventilation hygro et les autres ».
« La RT envisage qu’aucun logement n’est occupé la journée comme s’il n’y avait ni chômeurs, ni retraités en France, ou des personnes travaillant chez eux. Or, les avis techniques des produits de ventilation sont construits sur ce scénario. Ainsi, une ventilation hygro est considérée comme fonctionnant à un débit très faible jusqu’à 8 heures par jour. Alors qu’en réalité, les relevés de nos mesures sur site montrent que la variation de débit journalière est quasi-nulle. Quand on sait que la promesse d’une hygro B est de réduire jusqu’à 50 % un poste ventilation qui pèse 20 kWh/m²/an de besoins de chauffage, l’enjeu est loin d’être négligeable. Il faut donc remettre à plat les choses pour que le duel avec les autres solutions de ventilation soit équitable » (Voir l'intégralité de son interview P60).
En attendant, le gouvernement a introduit dans la loi Essoc un permis d’innover qui doit permettre de quitter le ring réglementaire actuel. Allons-nous donc voir se multiplier les maisons équipées de systèmes de ventilation jusqu’ici tapis dans l’ombre de l’Hybro B ? La balle est dans le camp des acteurs de la construction.
« Il faut savoir en fonction de l’environnement du logement, réseaux de transport, champs à proximité ou encore vents dominants, préconiser une solution de ventilation plus couteuse mais indispensable. Il y a un équilibre entre le bien - faire architectural et la qualité de l’air intérieur. Et au regard du gain sur la santé, nous devons être à même de démontrer que le surinvestissement est négligeable », note Nicolas Blondet. « Les gens veulent une belle cuisine, une belle salle de bain et, pour le moment, se moquent bien d’investir dans la VMC. La clé est du côté des professionnels qui doivent leur faire comprendre l’intérêt d’y investir non pas 300 euros, mais a minima 2 000 euros », poursuit Laurent Henry. Selon Yves Nioche, ce savoir-vendre ira de pair avec une montée en puissance d’un savoir-faire. « L’équilibre des débits d’entrée d’air et d’extraction, ça ne parle pas à un chauffagiste. C'est pourquoi nous devons faire émerger des qualifications aérauliques. Il ne devrait plus être possible de voir encore implanter des réseaux en gaines flexibles qui à coup sûr vont finir écrasés ou encrassés ».