Florence Lievyn, déléguée générale de Coénove, association des acteurs de la filière gaz dans le bâtiment, a réagi suite à la future prise en compte, non pas de l'énergie primaire, mais de l'énergie finale dans le calcul du diagnostic de performance énergétique des bâtiments dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC).



Pourquoi cette modification d'énergie primaire à énergie finale dans le calcul du DPE vous a-t-elle alerté ?

Il y a d'abord la manière de l'annoncer. Découvrir les volontés gouvernementales au détour d'une phrase glissée en page 97 d'un document qui en compte 104, et dont la lecture n'est pas très digeste, est scandaleux !

Ensuite, sur le fond, le recours à l'énergie finale comme seul mode d'expression revient à desserrer largement la contrainte sur la consommation des seuls logements électriques, qui passe à 60 kWEf/m².an, leur donnant droit à surconsommer de 93 % ! En effet, actuellement, pour 80kWEp électrique consommée, on obtient 31 kWEf, en tenant compte d'un PEF de 2,58. En basculant en énergie finale, pour 60kWEf consommés, on aura en réalité 155 kWEp !

Avec ce changement, l'administration va faire gagner artificiellement des classes énergétiques aux logements chauffés à l'électrique, et les ménages ne seront pas motivés à réaliser des travaux de rénovation énergétique, ayant obtenu une meilleure note en un claquement de doigt ! Mais ce gain apparent ne se traduira pas dans le montant des factures, qui, elles, seront toujours élevées, du fait de l'absence de travaux de rénovation.


Que pensez-vous de la décision du gouvernement de faire correspondre ce niveau de 60 kWEf/m².an à celui du BBC Rénovation, actuellement à 80 kWEp/m².an ?

Abaisser les objectifs pour pouvoir justifier d'atteindre un parc 100 % BBC Rénovation en 2050 n'est clairement pas une stratégie à la hauteur de la politique énergétique française. Là encore, les parties prenantes n'ont pas du tout été consultées, l'administration change les règles du jeu, dans la droite ligne de ce qui se passe depuis le début de l'année, à savoir employer tous les moyens, y compris détournés, pour favoriser le vecteur électrique au motif qu'il est decarboné. Et on fait fi des conséquences !

Nous sommes face à une décorrelation manifeste entre ce qui pourrait être une voie de sortie sur le papier, mais qui dans les faits va être rattrapée par le principe de réalité : plus de logements électriques non rénovés, plus d'appel de puissance, une facture énergétique qui au mieux stagne, voire augmente au bon gré des fluctuations du coût de l'électricité... L'administration utilise une fois de plus sa stratégie de rouleau compresseur, en imposant son point de vue. De la conviction au dogme, il n'y a qu'un pas qui semble bien avoir été franchi.