Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF
" Privilégier le chauffage électrique obligera à avoir deux fois plus de gaz en pointe hivernale "
Le chauffage au gaz n'a pas les faveurs du gouvernement ces derniers temps. Et la situation en Ukraine n'a fait qu'accélérer la stratégie des pouvoirs publics de sortir des énergies fossiles, en témoigne la suppression de l'aide MaPrimeRénov' pour l'acquisition d'une chaudière gaz THPE au 1er janvier 2023. Pourtant, " tuer le gaz ", si l'on reprend les propos d'Olivier David, chef de service climat et efficaité énergétique au sein de la DGEC, lors de la journée de la pompe à chaleur, ne serait pas une solution pérenne.
Selon Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF, s'il faut évidemment décarboner le gaz et conserver un mix énergétique, tout l'enjeu résidera dans la conception d'un système qui tiendra compte des phénomènes de pointe hivernale. " Actuellement, 40 % des besoins de chaleur en France sont couverts par le gaz. Ces besoins montent à 50 % en pointe hivernale, soit une couverture assurée par le gaz de 130 GW contre 95 GW pour l'électricité. D'autant que le gaz est également utilisé pour produire de l'électricité, à hauteur de 15 % ! Alors, forcément, dans la période actuelle, nous pourrions être tentés de nous passer du chauffage au gaz. Sauf que remplacer toutes ces chaudières par du chauffage électrique, et en grande majorité de l'effet Joule car les pompes à chaleur ne pourront pas être posées partout, obligera à utiliser deux fois plus de gaz en pointe hivernale pour couvrir tous les besoins ! "
La chef des gaziers se fécilite d'ailleurs de voir que le gaz gagne encore du terrain. L'an dernier, le distributeur d'énergie a investi 397 milliards d'euros dans les nouveaux raccordements, soit 123 M€ de plus qu'en 2020. " Ces nouveaux raccordements prouvent encore la dynamique très importante autour du gaz, une dynamique des clients fioul qui basculent vers le gaz, mais aussi des méthaniseurs et des stations GNV qui se développent. "
En parlant méthaniseurs justement, d'après GRDF, deux à trois sites de méthanisation sont mis en service chaque semaine. En 2022, on devrait compter 515 sites d'injection de biométhane en France. " La molécule reste du CH4, précise Laurence Poirier-Dietz, donc aucune modification du réseau ou des équipements n'est à prévoir. " GRDF prévoit d'ailleurs d'injecter 20 % de gaz renouvelables dans les réseaux en 2030, soit l'équivalent de l'apport russe aujourd'hui, alors qu'il ne représente que 2 % actuellement. Mais encore faut-il que l'État aide au développement de la filière. Le distributeur d'énergie espère notamment un raccourcissement des délais d'obtention des autorisations administratives ainsi qu'un allongement de la durée réglementaire autorisée pour mettre en service les installations. " Avec la pandémie et la crise des matériaux, les installations ont pris du retard. Parfois, au bout des trois ans accordés pour la mise en service, les producteurs ne sont toujours pas prêts. Cette restriction peut les inciter à ne pas aller au bout de leur projet. Tout le monde y perd " confie Laurence Poirier-Dietz.
Mi-mars, le ministère de la Transition écologique avait annoncé soutenir un peu plus la filière des gaz renouvelables en augmentant la prise en charge des coûts de raccordement des installations de biométhane aux réseaux de gaz naturel.