GCM_Direction_Episode 04_Img principale_820X400_Laurent Roegel.jpg Airwell
Dix ans après la reprise d’une entreprise au bord de la disparition, Laurent Roegel dirige aujourd’hui une entreprise qui a réalisé en 2023 un CA de 32 M€. Il porte une vision centrée sur les besoins du consommateur. Et appelle à une vision à long terme des pouvoirs publics, notamment en matière d’aides à la rénovation énergétique.

 
 

Airwell a repris le chemin de la croissance, mais a enregistré au premier semestre une baisse, dans un climat de chute brutale du marché des PAC. Comment comprenez-vous ce mouvement ?

Nous vivons depuis maintenant deux ans une chute de  la construction neuve et une instabilité des aides à la rénovation énergétique partout en Europe. Concernant Airwell, nous avons connu une progression de quasiment 50 % en 2023 en France autour de cet écosystème de la rénovation énergétique globale, dans un marché baissier. Nous sommes impactés par la chute du marché de la rénovation, mais nous continuons à prendre des parts de marché du fait de cette anticipation autour des solutions globales, qui vont au-delà du produit pour répondre au besoin du consommateur en termes de performances réelles.

Tout baisse, sauf les chaudières. Moins technologiques, moins onéreuses : n’ont-elles pas été enterrées trop vite ?

Nous n’irons jamais sur ce terrain, car nous n’y sommes pas légitimes. Airwell est un acteur de la thermodynamique. Mais dans cette approche d’écosystème global, il est tout à fait envisageable de travailler avec des acteurs de la chaudière, autour de solutions hybrides, où la PAC vient sécuriser une chaudière existante.

Peut-être a-t-on donné trop d’importance à la PAC, mais rappelons que dans les pays nordiques, le taux d’équipement se situe autour de 80 %, du fait d’une approche pragmatique. Mais en Europe de l’ouest, l’instabilité des politiques publiques nuit au marché. Aucun industriel ne peut avancer quand les règles du jeu changent tous les six mois.

La PAC reste très dépendante des aides, parce que le produit est cher. Une baisse des prix peut-elle se dessiner, grâce notamment aux économies d’échelle ?

Les prix ont déjà baissé de manière significative, grâce aux économies d’échelle. Mais quand on passe d’un besoin sur le produit à un Cop, puis à un Scop, puis à l’efficacité globale, puis qu’on ajoute une couche de photovoltaïque, on permet l’entrée d’éco-délinquants qui faussent le jeu. Le prix de la PAC en 2023 correspondait au montant de l’aide à la pompe à chaleur ! Aujourd’hui, le sujet n’est pas tant celui d’une économie d’échelles que celui de la stabilité des règles qui laisserait de la place aux acteurs sérieux.

« Les PAC sans unités extérieures auraient beaucoup d’intérêt. »

Si on annonçait une baisse progressive des aides sur cinq ans, cela vous conviendrait ?

Tout à fait ! Une feuille de route à laquelle on se tiendrait, avec un objectif clair, une transition vers la rénovation énergétique globale couplée à un soutien accru aux produits fabriqués en Europe nous irait parfaitement.

Le Gouvernement précédent avait envisagé de réserver les aides à la PAC aux produits fabriqués en Europe. Comment recevez-vous cette idée, sachant qu’Airwell fabrique désormais en partie en France, avec l’usine Amzair ?

Cette idée est dans l’ordre des choses, mais elle est complexe. Nous travaillons beaucoup avec les pouvoirs publics pour définir ce qu’est un produit fabriqué en Europe. Assemblage en Europe, bilan carbone, traçabilité des composants, proximité, réparabilité… : ce sont de vrais sujets pour réindustrialiser. Il ne faut pas se presser pour des raisons idéologiques, mais prendre le temps de réfléchir à une mesure pérenne et qui s’inscrive dans la tradition européenne de respect des accords internationaux.

Airwell a repris l’usine d’Amzair, et revient à une ambition de produits fabriqués en France. Sur quel segment ? Concurrencerez-vous les produits fabriqués en Asie ?

L’objectif est de développer des produits à valeur ajoutée, différenciants, totalement connectés, répondant aux besoins des clients finaux d’ici quelques années. Nous travaillons sur la géothermie pour le résidentiel individuel et sur les PAC sans groupe extérieur. Une des difficultés de la PAC vient des groupes extérieurs avec des nuisances sonores et visuelles, notamment en agglomération. La suppression du groupe extérieur lèverait cette barrière et apporterait de plus une réponse en remplacement d’une chaudière, collective comme murale gaz.

« Intégrer les aides et un financement complémentaire pour le reste à charge. »

Au-delà de la stabilité, que demandez-vous au Gouvernement en termes d’aides, notamment l’arbitrage entre rénovation globale et monogeste ?

La rénovation globale est une évidence, il s’agit d’argent public et il est normal de se préoccuper de l’efficacité de la dépense. Se contenter de remplacer une chaudière par une pompe à chaleur, ce n’est pas efficace. L’obligation de réfléchir à l’isolation en même temps qu’au chauffage s’impose, mais la filière n’était pas prête en début d’année. Elle le sera sans doute davantage début 2025. Les réseaux MonAccompagnateurRénov sont en place. Début 2025, ce sera peut-être encore ambitieux, mais en milieu d’année prochaine ce devrait être bon !

Dans la relance d’Airwell, vous misez beaucoup sur l’économie de la fonctionnalité, pariant sur l’usage plutôt que sur la propriété. Comment cette vision, à contre-courant du marché, s’impose-t-elle ?

L’idée est simple, mais son implantation est complexe. Le client final, qui est de plus en plus informé, a besoin d’économies, de confort, de qualité de vie plus que d’une marque. Mais il faut s’associer à des partenaires multiples : menuiseries, domotique, isolation, panneaux solaires… Dès 2025, cette approche représentera une part significative de notre activité. Mais elle drainera aussi nos innovations futures, autour de la maintenance prédictive mais aussi du financement de la rénovation énergétique dont découle l’ajustement de l’offre au besoin exact.

Airwell avait envisagé le leasing, qui s’impose notamment dans la mobilité électrique. Mais dans le génie climatique, les aides restent associées à l’achat. Souhaitez-vous une évolution en ce sens ?

Notre ambition va jusqu’au leasing, mais c’est encore trop tôt. Nous nous concentrons pour l’instant sur l’intégration des aides et d’un financement complémentaire pour couvrir le reste à charge. L’activité leasing arrivera dans un deuxième temps, quand batteries et bornes de recharge auront rejoint cet écosystème. L’autofinancement sera alors beaucoup plus rapide, et le marché à ce moment-là quittera la logique de subventions. Une feuille de route à 5 ans avec la fin des aides pourrait s’accompagner d’une finalité « heat as a service » ou « cool as a service ».

 

 

Laurent Roegel en quatre dates

2002 : rejoint le groupe Airwell en tant que commercial export

2012 : directeur des ventes d’Airwell

2014 : reprend l’entreprise Airwell

2023 : introduction d’Airwell en bourse